12.6.07

A quand un geste de vraie réconciliation pour Mohamed Baroudi ?

A quand un geste de vraie réconciliation pour Mohamed Baroudi ?





Je suis frappé par la nouvelle de l'hospitalisation de Mohamed Baroudi et je voudrais livrer, fût-ce de manière surannée et probablement superficielle- quelques pensées cueillies et exprimées à la hâte en direction de mon ami et compagnon de route Mohamed Baroudi.



Il est non moins frappant que cela se passe de manière presque concomitante avec la disparition prématurée d'un autre ami, Driss Benzekri. J'ai eu le privilège de rencontrer les deux, en juin 1979 ; et le fait d'avoir assisté et mesuré à distance le degré de convergences des points de vue des deux amis et leur cheminement différent vingt ans plus tard me laisse un peu perplexe quant aux coïncidences.



Je suis probablement, sans que cela me réjouisse, le seul à leur avoir parlé en même temps au courant de ce mois de juin 1979, en prison pour l'un et en exil pour l'autre, et je me sens avoir le devoir moral de restituer quelques bribes des réflexions échangées à ce moment là. L’un et l’autre étaient droits, honnêtes et fondamentalement convaincus à la fois de l’utilité de leurs sacrifices et de la certitude de leurs opinions, comme un militant pouvait l’être à l’époque.



Je les ai revus tous les deux durant l'été 2000 et j'ai pu prendre la mesure des distances et des éloignements qui sont autant de signes d'évolution de la société marocaine et en même temps de la fermeture de ses passerelles politiques et du déficit sinon l'inexistence de véritables issues pratiques vers l'avenir.



Si je n'ai pas partagé- par choix politique - le cheminement que je jugeais saccadé et quelque peu improvisé et parfois même chaotique de Driss Benzekri , je n'ai à aucun moment, douté de sa sincérité et de sa volonté de provoquer, sinon promouvoir la rencontre consciente ou non, spontanée ou précédée de mille artifices, de manière globale ou parcellaire du peuple marocain avec son histoire. Pensait-il avoir terminé sa mission, je ne peux qu’en douter. A-t-il eu, pendant les courts moments de répit que la maladie lui laissait , la lucidité quant au chemin qui restait à parcourir, je ne peux en douter. Il a imaginé une approche et, a choisi de la mener de manière progressive, offrant les derniers temps il est vrai, peu de résistance aux opportunistes et arrivistes de tout bord et négligeant de ce fait probablement les bénéfices certains d’une véritable articulation avec la société réelle.



On peut épiloguer longtemps sur l'efficacité et la diversité des approches, mais une constante chronique demeure prédominante dans le corpus politique marocain: son inertie. Toutes les initiatives, même prises à bon escient et de manière sincère et même au plus haut niveau et par le roi lui-même, se trouvent confrontées à cette inertie qui finit par ne plus fabriquer que des mécanismes d'attente et non de véritables instances de mouvement. C'est là que demeure toute la complexité du Maroc politique de cette dernière décennie et, c’est de ce fond de vérité que j’ai discuté avec Mohamed Baroudi durant l’été 2003.



J'ai pu me rendre compte à quel point la densité de ses aspirations à un monde simplement juste, jointes à son refus entier de toute tentation des solutions faciles et toutes faites, ont crée chez lui l'intensité de cette résistance rare et sublimée jusqu'à son extrême. Est-il victime simplement de son intégrité ou est-il acteur d’un refus érigé en principe ?



En tout cas, s’il est une victime exemplaire aujourd’hui des atermoiements de la classe politique, des pratiques des semi-mesures et de leurs contraires au plus haut niveau de l’Etat et des blocages du système politique en face des attentes longtemps contenues d’une grande partie de la société marocaine, c’est bien Mohamed Baroudi. Victime des soubresauts politiques des années soixante et leurs corollaires en terme de répression gravissime, il est aujourd’hui encore exilé, non par simple choix théorique ou par luxure, mais par le besoin exprimé d’une véritable vision d’envergure à la fois vers le passé comme déterminant du présent et, vers l’avenir comme cadre d’épanouissement et de réception des aspirations de tous. Finalement, Mohamed Baroudi, au-delà de toutes les analyses et conjectures n’est que l’illustration du fait que si la réconciliation a bien été voulue, sincèrement désirée, elle n’a pu avoir lieu. Même en se plaçant d’un point de vue manichéen, on ne peut que se demander de quelle forme d’inappétence, notre pays est frappé, pour que ses filles et ses fils échouent continuellement, même dans les circonstances les plus favorables à produire les mécanismes adéquats de leur harmonie.



Le système politique marocain serait-il à ce point stérile à produire les conditions minimales d’une véritable réconciliation, où Mohamed Baroudi et d’autres dans des cas similaires ne restent pas devant la porte, mais en franchissent bel et bien le seuil pour participer- et de manière même légitimement contradictoire et pacifique, si telle est leur vision- à la marche de leur pays.



Pourtant, ces conditions minimales existent. D’autres expériences de par le monde le montrent bien, et la société marocaine possède ses propres ressorts pour les générer, les adopter et les faire fonctionner, si certains, engoncés qu’ils sont dans des visions étroites et un opportunisme dégénéré n’orientent le pays vers de simples exutoires en lieu et place de véritables issues politiques.



Mohamed Baroudi demeurera ce cas de conscience qui infirme toutes les prétentions et rappelle que l’intelligence doit être mise en œuvre pour que notre pays soit celui de tous les siens.



Miloudi Wadih

24 mai 2007

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